VISION MASTER : « Sceptre » (c) 2023

VISION MASTER : « Sceptre » (c) 2023

Sceptre
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Publié: 25/08/2023

Je dois avouer qu’être surpris, pris au dépourvu tout en étant captivé et émerveillé par un album fait vraiment du bien. Cela n’arrive pas si souvent. Tomber sous le charme d’un disque par ses mélodies, l’excellence des titres oui, mais tout en étant complétement bousculé et transporté dans un autre monde, pas tant que cela.
Ce 1er album des américains de VISION MASTER m’a fait cet effet là par sa singularité, par ses pistes brouillées de prime à bord qui petit à petit, écoute après écoute laisse place à une cohésion et … à une grand addiction ! Le duo est formé de 2 musiciens totalement barrés mais géniaux et débordant de talent : Dan Munro (ex-Funerot) à la guitare, chant, compositeur, et Reuben Storey à la batterie et basse.
A l’instar de VOIVOD ou VEKTOR qui avaient imaginé des concepts futuristes ou MEGATONSWORD avec leur monde imaginaire Niralet, VISION MASTER a imaginé un univers futuriste où un réseau biologique relie tous les êtres humains dans lesquels est implanté à leur naissance un récepteur. Ce réseau transforme petit à petit les gens en zombies servant à alimenter cet horrible réseau nourissant un être métallique. Bonjour l’ambiance ! Et ce côté dérangeant et glauque est accentué par la façon narrative de chanter de Dan Munro et de conter ses paroles ou plutôt mini pièces à la fois horribles et passionnantes. Nous sommes immergés, captivés et les images de ces corps suspendus flottant dans le ciel et reliés avec des cables pompant leur énergie éthérique se formant devant nos yeux et nous glacent le sang, le tout aidé par la voix de Dan Munro tantôt claire (évoquant les êtres humains condamnés à rester prisionniers) tantôt agressive (l’être maléfique à l’origine de cet infame réseau). Musicalement, nous avons droit à un feu d’artifice à tous les niveaux : les deux musiciens maitrisent leur sujet et leurs instruments sur le bout des doigts et cela s’entend. Le spectre musical de VISION MASTER est large mais plutôt du côté obscur. Sur le titre ouvrant l’album « Wolves In the Shadows », on peut penser à SLOUGH FEG avant qu’une partie rythmique très black metal vienne casser cette similitude, elle même balayée par un passage très MEGADETH old school avec des intonations vocales de Munro à la Dave Mustaine. Les riffs sont tranchants, la batterie cogne dur et la basse se fait entendre grace à un son et une prod parfaite pour ce style, très organique, très claire. On est très loin des grosses prod actuelles surgonflées et puant la compression, ici tout sonne vrai, naturel mais toujours puissant.
Le tempo s’accélère sur le très bon et accrocheur « Wet Net » à la guitare rythmique un peu folle, on pense au VOIVOD et ses titres directes de « The Outter Limits » auxquel on aurait injecté une dose de NOWBHM avec ces harmonies de guitares.
Difficile de ne pas penser encore aux québecois sur l’étrange « Gossamar Sky » et son côté dissonnant rappelant un « Dimension HatrÖss ». Munro alterne ses types de chant ajoutant au côté bien déjanté de ce morceau. Et ce voyage sur ces montagnes russes musicales n’est pas fini comme en atteste « Knife in a Velvet Glove » démarrant sur une rythmique speedée façon black metal Munro crachant ses paroles, on pense un peu à un VENOM sachant jouer de leurs instruments, on est secoué dans tous les sens, avec un pré refrain plus heavy et enfin ce refrain avec le chanteur prenant une voix assez …. Bowie ! Quel contraste mais cela fonctionne du feux de Dieu. Munro lache une solo à la fois mélodique et dissonnant complétant cette folie ambiante de ce brûlot débridé.
L’ambiance change une nouvelle fois avec « Walls Of Bone » (prometteur comme titre, n’est ce pas ??), le groupe nous proposant un tempo lent, d’une lourdeur implaquable et doom. La basse se fait plus entendre, puis les guitares se mettent comme à pleurer, une petite mélodie de guitare se greffe montrant que nous avons à faire des musiciens très bons mettant leur talent au service de leurs titres barrés. Le propos ne change pas, l’inquiétude, la noirceure de ce monde apocaplytique digne de l’enfer sont toujours présents.
« Standstone » déboule dans les enceintes sans prévenir sur un tempo rapide, celui ci ralentissant durant le pré chorus. Munro joue de sa voix claire et assez théatrale ici dans ce qui est pour moi la pépite de l’album touchant à la perfection. Les riffs de guitares suivis par la basse sont jouissifs avec des cassures rythmiques ici et là faisant évoluer le morceau dans sa seconde partie dans cette piece de speed metal ayant côté punk (je pense un peu aux premiers disques de Sprung Out). Le groupe est ici plus direct tout en gardant cette virtuosité ébouriffante.
Cela s’énerve sur le titre suivant « Arc Terminal X » encore une fois speed metal mais plus violent avec Munro ayant mangé du Lemmy et du Cronos au petit déjeuner, mais le guitariste s’éclate et balance quelques soli bien sentis dans un esprit black’n’roll .
« Dust Within » ralentit le tempo, se veut plus envoutant notamment avec le chant. On est en Terre heavy / stoner mais à la sauce VISION MASTER.
La fin de ce voyage onirique glaçant approche, et nous plonge dans la lourdeur assourdissante de « Beyond », Munro crachant une nouvelle fois ses poumons, ses riffs nous assomment durant les couplets alors que le refrain se montre plus planant. Ce contraste est étonnant mais fonctionne à merveille suivant le récit du chanteur / narrateur.
L’excellent et rythmé « Thin Veil » conclut ce trip déjanté avec une nouvelle fois un côté VOIVOD (le chant de Munro). Le groupe se plait à ne pas écrire des titres simplement basés sur couplet / refrain. Chaque titre possède plusieurs changements rythmiques et maitrise l’exercice à la perfection comme dans cette dernière pièce où s’entrechoquent riffs heavy … et harmonies de guitares à la Thin Lizzy, le plus naturellement du monde ! Que c’est bon !
En à peine 40 petites minutes, les américains de VISION MASTER ont réussi leur pari fou, un projet à la fois déjanté, barré mais aussi passionnant en y mettant toute leur folie, leurs idées sans dresser de barrière artistique, et avec un talent fou. La 1ère écoute est déroutante mais les suivantes laissent émerger assez rapidement la grande richesse d’une oeuvre à part dans le paysage musical actuel.
Assurément l’un des meilleurs disques sortis ces dernières années, ayant une sacrée identité.

 

1. Wolves in the Shadows 04:26
2. Wet Net 02:41
3. Gossamer Sky 04:35
4. Knife in a Velvet Glove 04:02
5. Walls of Bone 03:41
6. Sandstone 04:42
7. Arc Terminal X 02:43
8. Dust Within 02:42
9. Beyond 03:42
10. Thin Veil 05:13
38:27:00

 

Label Catalog ID Format Description
Gates of Hell Records GOH84 CD
Independent Digital Bandcamp
Gates of Hell Records GOH84 12″ vinyl Limited edition, 3 colors