QUARTIERS NORD : « O Solex Mio » (c) 2023
2021 voyait le grand retour de QUARTIERS NORD dans sa version rock ou plutôt heavy metal avec l’album « Full Metal Marseille » portant tellement bien son nom avec un line-up composé de l’indéboulonable Robert « Rock » Rossi au chant et paroles, le riffeur / compositeur de l’Enfer Fabrice « Boule » Baud, Patrick « DRD » Durand à la batterie et le producteur Bruno Pradel à la basse.
2 ans plus tard et après avoir donné bon nombre de concerts dans la région et éprouvé live cette formule métallisée de QUARTIERS NORD, les marseillais nous reviennent avec un nouvel opus « O Solex Mio » à la pochette à la fois sombre et inquiétante avec cet orage, ce ciel noir et ses éclairs et de l’autre emprunte de rigolade avec au 1er plan le chanteur sur son solex. Et c’est cette contradiction, ou plutôt cette dualité qui caractérise le groupe depuis leurs débuts et encore plus sur cette nouvelle galette : essayer d’échapper à une réalité sombre et triste, en ayant conscience de celle-ci et en la décrivant ou la dénonçant mais avec humour et dérision, rien de tel pour faire passer des messages importants, et cela a toujours été la façon de procéder du groupe.
Et cela fonctionne à merveille. Encore plus que sur FMM, les musiciens ont la hargne et la musique encore plus puissante et énervée. On est frappé immédiatement par le son juste énorme mis en valeur par la production de Bruno Pradel qui a cette fois ci cédé la basse en studio au bassiste du groupe depuis une trentaine d’année, Etienne Jesel. Et cela s’entend, avec la basse bien plus présente que sur l’album précédent. L’arrivée d’Eric « Riké » Luvera (ex DEBACKLINER) à la 2nde guitare rajoute à ce mur de guitares tout au long des 10 brûlots composant ce nouvel album.
Fabrice Baud nous avait démontré son talent de compositeur sur FMM avec toute une palette de riffs à la fois accrocheurs et très puissants puisant ses influences à la fois dans le heavy, le thrash ou du metal plus récent. La recette n’a pas changé mais le six cordiste s’est atelé cette fois ci à se lacher dans ses soli, mélodies de guitares foisonnant tout au long de l’album.
Comment résister à ce riff au gimmick imparable sur « Ote-toi de mon Solex » et comment ne pas rigoler aux paroles hurlées de Rock sur ce titre qui est déjà un hit et interprété en live depuis plus d’un an. Les paroles de Robert sont comme d’habitude pleines d’expressions marseillaises qui donnent toute la personnalité au groupe et à ce côté si attachant.
Après une entrée matière assez légère, le propos change radicalement avec le très puissant et colérique « O Mon Maître » : le quatuor n’a pas envie de rigoler sur ce coup de massu. Les riffs sont lourds et puissants, Patrick cogne ses fûts comme un Vinnie Appice époque « Holy Diver », Etienne martyrise ses 4 cordes faisant vibrer les vitres, Rock crache ses paumons sur des paroles vindicatives sur l’exploitation souvent abusive des travailleurs par des élites peu scrupuleuses profitant souvent sans vergogne et sans reconnaissance de la sueur et du labeur des autres. Le groupe innove avec cette partie instrumentale et cette mélodie et harmonies de guitare orientale ayant un petit air du « To Tame A Land » d’IRON MAIDEN et jouées par Riké. On note aussi des choeurs ici et là bien amenés.
Je vous parlais des soli de guitares au début de la chronique, et bien écoutez ce début de malade de « Les Théâtreux » avec ces descentes de manche de Fabrice .. quelle virtuosité tellement enrichissante. Ici le tempo est plus nerveux, avec la batterie de Patrick s’affolant ici et là me rappelant un peu certaines parties de l’album « Transition » de VULCAIN. On navigue ici dans un hard rock costaud, comme ce solo tellement inspiré juste avant ce break soutenu par la basse d’Etienne et terminant ce pamphlet contre les personnes abusant de leur statut d’artistes et étant étroites d’esprit n’acceptant pas la satire ni les artistes proposant autre chose qu’un art trop formaté.
La piste suivante au nom ambigu, « Le trou du Culte », commence de façon solennelle , avec ces choeurs semblant provenir d’une vieille abbaye mais rapidement Rock nous met dans le bain de cette tirade au vitriolle contre la réligion : « oye Messies universels, emboucaneurs du vaste monde ! » hurle t il durant cette intro, puis le morceau démarre sur un tempo lent et lourd avec la frappe étourdissante de Patrick, le riff d’une grande puissance de Boule soutenu par Riké et la 4 cordes claquante d’Etienne, et grande surprise, la voix de Lucie Roche, chanteuse marseillaise d’opéra dont les interventions vocales (elle a composé elle même ses lignes de chant) illuminent ce titre aux paroles agressives mais lucides. La musique se veut heavy, la partie du refrain très bien trouvée avec ses choeurs derrières donnant envie de lever le point et que dire de cette mélodie du chant de Lucie très Morricone et « Le Bon, La Brute et le Truand », avant que Boule nous régal(ad)e les oreilles avec ses harmonies de guitare suivies d’un excellent solo plein de trouvailles. Mais quel guitariste ! Un titre monstreux, certainement mon préféré l’album.
Lucie Roche se permet d’introduire le titre italien de l’album « Italia Mia » avec un brin de folie, diatribe contre la montée des extrémistes de droite en Italie dans une compo assez punk rock dans l’esprit.
Je vous parlais au début de la chronique d’un disque assez varié dans les styles, et bien les marseillais revisitent leur passé et plus particulièrement leur album mythique « Suspect » avec le jouissif « J’en finis plus de me vider » très hard rock avec un riff de malades (c’est le cas de le dire !) de Fabrice : difficile de ne pas taper du pied et on se remet à penser à « Incrusté dans un WC » jusqu’à ce break de basse au top d’Etienne avant que le morceau ne reparte : ça swingue, ça rock et voilà que des choeurs chantant font leur apparition. Irrésistible !
Vous voulez une autre ambiance, un petit « faux » blues comme le groupe en a le secret (rappelez vous « Le Blues du platrier ») ? Et bien vous voilà servis avec ce « Môssieur Léon » ! Sacré portrait peint par Rock de ce Léon avec humour mais dont la justesse des mots et de sa description (« champion du tire bouchon ») ne peuvent que nous faire penser à quelqu’un de notre entourage … tournant la journée au Castelvin (la Villageoise !!). Les musiciens nous distillent un blues metal durant les couplets tandis que Patrick accélère le tempo pour les refrains bien nerveux. La musique est enrichie tout au long du titre par les interventions de John Massa au saxo collant tellement bien à cette pépite nous rappelant pourquoi nous adorons Quartiers Nord. Boule sait adapter son jeux et délivre une série de soli tout en feeling et bluesy dans une 1ere partie, puis lache les chevaux dans la dernière partie du morceau avec Mr Massa lui rendant note pour note.
Les Quartiers Nord aiment varier les plaisirs car voilà maintenant qu’ils nous servent un brûlot speed / thrash / heavy sur l’un des hits de l’album, « Marseille Capitale » : ça démarre à 200 km/h avec Rock rappelant que Marseille avait été élue Capitale Européenne de la Culture » tandis que Boule balance un riff ultra rapide, suivi par la section rythmique. Ca envoie, c’est violent avec Rock qui n’avait jamais autant poussé sa voix (la petite histoire raconte que le chanteur aurait mis en boite ses parties vocales de ce titre tôt le matin à la 1ère heure !). L’un des riffs me rappelle le METALLICA de « Fight Fire With Fire » et cela le fait grave. Le tempo ralentit juste un peu durant le refrain avec Patrick donnant de la pédale de doube grosse caisse pendant que Rock et ses comparses hurlent « MARSEILLE CAPITALE !! », puis Boule nous assène quelques riffs ultra heavy avant une série de soli : quel guitariste hors pair il est. Dans ce coup de poing musical, Rock évoque cette énorme masquarade qu’avait été cette année 2013 avec Marseille élue capitale européenne de la Culture. De la poudre (sic) aux yeux dont seules les « élites » (re-sic) et les bobos de la Kulture marseillaise avaient profité. Une vraie fumisterie, rejoignant les paroles des « Théatreux ».
Le tempo ne décélère pas avec le très réussi « Moins qu’un chien » avec Boule qui trouve encore le riff que tue : écoutez moi cette sacrée bonne intro ! Les couplets sont par contre sur un rythme plus lent, donnant envie de taper du pied et secouer la tête suivi par une accélération fulgurante avec cette mélodie de 6 cordes au poil. Et que dire de ce solo une nouvelle fois flamboyant de Fabrice se permettant de glisser une chouette partie de guitares harmonisées. Rock quant à lui crache son venin sur ce qui semble être une autobiographie évoquant la souffrance, les injustices et les violences racistes que lui et sa famille venant d’Italie avaient du subir en arrivant en France.
Ce 2nd album de QUARTIERS NORD version metal (FMM) se termine comme il avait commencé avec un titre moins sombre, donnant le sourir et très hard rock dans l’âme « Pas que le flouze » (le groupe nous prépare une vidéo pour ce titre). Je pense une nouvelle fois au VULCAIN des titres mid tempo mais avec plus de swingue grâce au duo Durand / Jessel : on est pris d’une irrésistible envie de taper du pied, de se remuer en secouant la caboche tout en levant le point et gueulant « y a pas que le flouze » !! Allez beau frère, range ta calculette et parlons de choses sérieuses !
En 10 titres, QUARTIERS NORD ne fait pas de … quartier avec une grande variété de riffs rendant l’écoute ce cette musique passionnante, enrichies des (divines) interventions de Boule aux soli et surprenantes avec ce saxo et cette voix d’opéra. Même si les 10 brûlots sont à 200% metal, il y a une variété rafraichissante. On sent que le groupe et leur producteur ont énormément bossé avant de rendre cette copie impeccable, avec des paroles toujours grande force du combo de la Capitale Phocéenne et pas piquées des vers.
« Full Metal Marseille » avait introduit cette nouvelle version de QUARTIERS NORD, « O Solex Mio » enfonce le clou et se montre un bon cran supérieur et d’une plus grande richesse musicale.
Un must !
1 | Ôte-toi de mon solex ! | 03:34 | |
2 | A mon maître | 03:35 | |
3 | Les théâtreux | 03:33 | |
4 | Le Trou du Culte | 05:09 | |
5 | Italia mia | 03:40 | |
6 | J’en finis plus de me vider | 04:05 | |
7 | Môssieur Léon | 04:38 | |
8 | Marseille Capitale | 05:04 | |
9 | Moins qu’un chien | 04:48 | |
10 | Pas que le flouze | 03:43 | |
41:57:00 |